Javaux la peine de le savoir…

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« Je ne serai pas porteur de politiques de rupture. » Ben voilà… C’est clair, net, sans ambiguïté. En confiant au « Soir »[[« Le Soir » des 20 & 21 mars 2010]] son refus « d’être de nouveau le missionnaire ou l’éclaireur écologique » et son choix de « la politique des petits pas », le (co)président d’Ecolo a levé les doutes qui auraient pu planer sur la stratégie du parti vert : l’heure n’est pas à la révolution mais à la réforme, et encore, en douceur. « En politique, il faut avoir la plus grande adhésion de la population et si possible de tous les acteurs. En 2003, on s’est retrouvés à 7% des voix après avoir essayé, parfois de façon très radicale, de changer certains comportements ! »[[Si ma mémoire ne m’abuse, les analystes avaient alors attribué la défaite électorale d’Ecolo à la menace qu’il a fait peser sur le Grand-Prix de Francorchamps (en s’opposant à une dérogation y autorisant la pub pour les cigarettes) et à une déclaration d’un mandataire vert en faveur de l’institution d’un régime républicain en Belgique. On peut légitimement se demander quel est le poids politique d’une voix que de telles peccadilles suffisent à détourner d’un parti… Autrement dit, n’est-il pas préférable d’avoir 10% d’électeurs convaincus par un programme que 20% dont la moitié sont prêts à vous quitter si vous défendez les idées que vous croyez justes ? Posez la question me semble y répondre mais, manifestement, les têtes pensantes Ecolo ont une autre analyse.]] C’est raisonnable, pragmatique, électoralement opportun(iste). On peut toutefois légitimement se demander si cette position est bien en phase avec les exigences de l’urgence environnementale. Car si la situation est vraiment aussi grave que les experts le dénoncent – et elle l’est malheureusement –, il importe d’y faire face avec des mesures à la hauteur de cette gravité, ce qui ne saurait s’accommoder d’une stratégie des petits pas. Quand la maison brûle, on ne peut espérer éteindre l’incendie avec un goutte-à-goutte…

Le stratego politique d’Ecolo, comme celui du PS, du MR, du CDh et tutti quanti, ne concerne que ses dirigeants et militants. Il n’empêche que le discours de Jean-Michel Javaux, tristement réaliste voire fataliste dans le chef d’une formation sensée être à la pointe du combat pour une Planète viable, a de quoi laisser perplexe tout défenseur de l’environnement.

Qu’un parti, qui plus est se voulant « de gouvernement », soit contraint d’adapter son programme aux contraintes de la réalité et du compromis, on peut le comprendre sinon l’accepter. Mais que ce parti édulcore son discours pour ne pas choquer, qu’il renonce à « porter seuls des projets qui sont ressentis comme étant contre la population » alors même qu’ils devraient être au c½ur de son combat, cela devient plus contestable voire condamnable.

Car cette politique de rupture dont Javaux refuse de voir Ecolo endosser le leadership, c’est précisément la spécificité de l’enjeu environnemental. Tous les indicateurs témoignent de la nécessité de rompre avec le système dans lequel nous évoluons depuis plus d’un siècle, de renoncer au culte de la production et de la consommation infinies. Non seulement parce que ce modèle menace la survie même de la planète et de ses occupants mais aussi parce qu’il ne pourra perdurer faute de matières premières pour le faire tourner et enfin parce qu’il a montré ses limites et ses impasses en agrandissant le fossé entre les plus riches et les plus pauvres, tant au niveau des individus que des pays.

« La défense de l’environnement exige de nous une rupture fondamentale. »[[Tribune de Nicolas Sarkozy publiée dans « Le Figaro » du 8 novembre 2006]] – « Il y a urgence pour une révolution écologique. »[[Discours à l’occasion de la signature du « Pacte écologique » le 31 janvier 2007]] – « C’est bien à une révolution que nous invite ce Grenelle de l’environnement. Une révolution dans nos façons de penser, dans nos façons de décider, une révolution dans nos comportements, dans nos politiques, dans nos objectifs et dans nos critères. »[[Discours de clôture du Grenelle de l’environnement, le 25 octobre 2007]] : « rupture fondamentale », « révolution écologique», ces concepts ne sortent pas de la bouche d’un khmer vert illuminé mais de celle de Nicolas Sarkozy au temps où il était encore politiquement correct et électoralement rentable de s’afficher conscient des enjeux environnementaux. Depuis lors, les crises financières, économiques et sociales sont passées par là, renvoyant l’environnement au rang de préoccupation secondaire, voire de combat nombriliste pour bobos exaltés et scientifiques alarmistes. Sarkozy a enterré sa taxe carbone, trouvé dans l’écologie la cause de tous les maux agricoles, relancé le nucléaire, abjuré sa foi verte et immolé son Grenelle de l’Environnement sur le bûcher de la relance. Ecolo semble quant à lui renoncer à ses priorités écologiques et à ses choix de société novateurs afin de soigner son image de parti honorable et de gestionnaire responsable. Dont acte. Reste à savoir si le dividende électoral que le Maréchal Javaux escompte de l’opération sera à la hauteur de ses espérances et lui permettra de renforcer ses positions ou si, au contraire, ce profil bas affiché par les Verts ne risque de leur faire mordre plus rapidement la poussière. Ce qui est leur problème et le restera… pour autant qu’ils n’entraînent pas dans leur chute le combat environnemental.

Soyons clairs : rouge, vert, bleu, orange, blanc, noir, jaune ou violet à petits pois, peu importe de quelle couleur se parent les avancées écologiques ; ce qui compte, c’est qu’elles existent, qui plus est fortes et rapides car ce n’est malheureusement pas leur inscription à l’agenda politique ou au sommaire qui détermine leur urgence, de plus en plus grande et inquiétante.

On rêve qu’il en soit autrement et que socialistes, libéraux, démocrates, humanistes, communistes, rattachistes (et complétez la liste…) portent eux aussi – réellement ! – l’affaire mais force est de constater que, jusqu’à présent, par-delà les discours et les déclarations d’intention, Ecolo était le seul à défendre les préoccupations environnementales en les inscrivant dans une réflexion sociétale globale. En mettant ses revendications en sourdine, il laisse de facto aux associations militantes et aux partis à la marge le devoir de dénoncer l’impasse dans laquelle notre système s’enfonce et de défendre la voie de la rupture. La dichotomie que certains se plaisent à cultiver entre des « extrémistes » soi-disant déconnectés du réel et des politiques « en responsabilité » garants de choix raisonnables (et de l’ordre établi) s’en trouvera renforcée et le message décrédibilisé. Pas sûr que ce soit le meilleur moyen de sortir de ce business as usual qui nous conduit dans le mur…

Cela conforte en tout cas la nécessité d’un mouvement associatif vigoureux et combatif, capable de rappeler aux politiques le nez dans le guidon de la gestion du quotidien que gouverner, c’est prévoir et que c’est l’action (radicale !) d’aujourd’hui qui évitera les catastrophes environnementales, économiques et sociales de demain.