HUMEUR : Hamon avis (regard affectueux mais néanmoins critique)

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Je ne sais pas vous mais moi, je l’aime bien ce Hamon !
Sur la forme, déjà, c’est un modèle qui me plaît, tout en discrétion et sobriété ; pas le genre à se la péter, convaincu d’être né pour présider. A le voir avec son anorak trop grand, sa coupe improbable (« tout vers l’avant et vous égalisez bien la mèche s’il vous plaît ») et ses sourires de timide mais pas con, je ne l’imagine pas porté par autre chose que ses convictions. Les positionnements du bonhomme tout au long de son parcours politique attestent d’ailleurs d’un souci de cohérence et de probité qui lui font honneur.
Dussé-je passer pour un grand naïf – un comble vu les procès en pessimisme qui me sont régulièrement intentés… –, j’incline donc à le croire sincère. Il me paraît être de ces politiques réellement dévoués à la chose publique et qui apprécient moins les ors de la fonction que la capacité d’action que celle-ci leur confère. L’exact opposé des assoiffés de pouvoir prêts à tous les reniements et toutes les compromissions pour le conquérir

Bien sûr, c’est un apparatchick, actif depuis près de trente ans dans la machinerie du socialisme hexagonal. Et alors… ? Si l’étiquette est péjorative, elle ne révèle rien qui me semble tant soit peu condamnable. Il est vrai que je ne suis pas de ceux qui considèrent les termes « politique » et « professionnel » comme inconciliables…
Non, vraiment, je l’aime bien ce Hamon.

Mais trêve de considérations personnelles et hautement subjectives : le fait est que tout individu mobilisé par les enjeux sociaux et environnementaux ne peut que se réjouir de l’émergence du candidat Hamon. Il a en effet réinsufflé dans le débat politique la dimension passionnelle dont il s’était vidé et a su opposer à la litanie des gestionnaires de crise l’exaltation d’un véritable projet de société. Grâce à lui, le désir a retrouvé droit de cité aux côtés du pragmatisme, l’envie de construire un autre monde est (re)devenue une alternative à la résignation de subir celui que l’on nous impose au prétexte qu’il serait unique.

Certains avant lui – de Mélenchon à Pierre Juquin en passant par divers Verts – ont tenté pareil coup de force mais leur positionnement en marge de la sphère politique traditionnelle les cantonnèrent dans un rôle d’idiots utiles, de bouffons agitateurs d’idées tout juste tolérés dans la cour des grands. Il suffit de se remémorer les propos lapidaires de Franz-Olivier Giesbert, star des éditorialistes et éditorialiste des stars, lors de la campagne présidentielle de 2012. Après avoir abattu en vol les deux candidats d’extrême-gauche et l’écologiste de service, FOG avait réglé le compte de Mélenchon : « L’attraction totale de cette campagne. Un show formidable. Une vraie sincérité, une culture, il a tout mais il a un problème, c’est l’économie. C’est clair qu’il y a quelque chose qui ne va pas, là, c’est quand même complétement dingue. »[Cette intervention d’anthologie est détaillée et commentée dans la chronique « [Merde in France » du 17 mai 2012]] Et d’en revenir aux seules personnalités qui vaillent à ses yeux, celles présentées par le PS et ce qui s’appelait alors l’UMP.

Hamon est le premier prétendant à l’Elysée issu d’un parti historique, fut-il déliquescent, à oser la rupture avec les dogmes auxquels ses congénères sacrifient l’avenir depuis des décennies. A ce titre, il apporte aux idées qu’il défend une audience et une crédibilité nouvelles. Pour cela et quel que soit son verdict final, ce millésime présidentiel 2017 est et restera historique. Car il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’événement : qui aurait imaginé, il y a quelques mois encore, voir un socialiste issu du sérail mener campagne sur la dénonciation des mythes de la croissance infinie et du travail pour tous, l’appel à une révolution écologique et la promotion du revenu universel ? Non seulement, noss p’tit Benoît l’a fait mais il a triomphé de la coalition des « réalistes » ! De cela, je le répète, on ne peut que se réjouir. Même s’il ne s’agit que d’une bataille gagnée et que la guerre contre TINA, le fameux « There is no alternative » au nom duquel on nous impose le modèle captialo-suicidaire, sera encore longue.

Ceci étant acté, il n’est pas interdit de s’interroger sur les motivations réelles du candidat et plus encore sur la crédibilité de son programme.

Beaucoup, à gauche comme à droite, dénoncent un programme opportuniste qui surferait habilement sur les questionnements et les mal-être de l’époque.
Ce n’est pas faux. Mais peut-on sérieusement reprocher au candidat Hamon de prendre en compte des préoccupations que l’on accuse les autres de négliger ?

D’autres décèlent derrière cette candidature un agenda caché. Les rendez-vous de la primaire puis d’un scrutin présidentiel considéré comme perdu d’avance s’inscriraient dans une stratégie de conquête du PS – ou du moins de ce qu’il en reste. Là encore, ce n’est sans doute pas faux… mais pas non plus condamnable. Pour qui les défend, ce serait même au contraire une excellente chose que les positionnements sortis vainqueurs de cette confrontation initiale se retrouvent in fine au cœur de la refondation du parti socialiste français.

En ce qui concerne le crédibilité et la faisabilité des mesures proposées, cela a été déjà dit, répété et martelé : on se situe à un point de fracture entre réalisme résigné et utopie déterminée, entre réformisme socio-économique et révolution sociétale.
Si on considère le cadre de l’action et la nature de celle-ci comme inamovibles, le programme de Hamon – et, dans une autre mesure, celui de Mélenchon – constitue une aimable plaisanterie dont on ne peut, au choix, que rire ou pleurer.
Si par contre on accepte une remise en cause de ce cadre et de ses fondements, ce dont le candidat fait d’ailleurs un prérequis explicite, tout devient possible.
Ce qui ne signifie pas que tout soit bon dans le Hamon, tant s’en faut.

Personnellement, si je me réjouis d’entendre « l’héritage » d’un environnement sain opposé à celui d’une dette publique maîtrisée, la prévention des maladies pudiquement dites « de civilisation » intégrée dans les mesures de réduction du déficit de l’assurance maladie ou encore des engagements volontaristes sur l’interdiction des perturbateurs endocriniens, il est d’autres propositions qui me posent sérieusement question(s). C’est notamment le cas du « 49.3 citoyen » et du revenu universel.

Le renouvellement de la démocratie et le renforcement de la participation sont à la mode et sans doute nécessaires. Je doute toutefois qu’un processus permettant de suspendre la promulgation d’une loi et de la soumettre à referendum pour peu qu’un pourcent du corps électoral pétitionne en ce sens constitue un progrès. Que serait-il advenu, par exemple, de l’abrogation de la peine de mort ou de la reconnaissance du mariage pour tous si pareil mécanisme avait été d’application ? C’est ni plus ni moins que le pouvoir de légiférer et in fine de gouverner qui me semble ici menacé.

Quant au revenu universel, si le concept à de quoi séduire, notamment – mais pas que – dans une perspective de raréfaction du travail et d’une indispensable refonte des mécanismes de solidarité sociale, il me paraît (beaucoup) trop tôt pour en faire une panacée. Au-delà même des débats sur la « valeur travail », trop de questions demeurent, trop d’effets pervers menacent pour risquer de se perdre dans une illusion sans retour.

Quel sera le montant de ce revenu ? Comment le financera-t-on ? Qui en bénéficiera ? Est-il appelé à remplacer l’ensemble des prestations ou constituera-t-il un socle sur lequel certaines aides – lesquelles ? – viendront se greffer ? Ce sont des interrogations de base qui restent sans réponses et elles sont loin d’être les seules. Quel impact ce revenu peut-il avoir sur l’inflation ? Dans quelle mesure influera-t-il sur les salaires ? Les employeurs ne pourront s’empêcher de prendre en compte ce revenu alternatif dans le calcul des rémunérations qu’ils reverront dès lors à la baisse. Les laudateurs de « la compétitivité des entreprises » s’en réjouiront – il n’est pas innocent que le concept de revenu universel soit né dans les cénacles libéraux… – mais est-ce à la collectivité d’assumer le coût du travail presté pour une entreprise privée?
Le chantier à investiguer est colossal et n’autorise pas l’emballement ; le candidat Hamon en est sans doute le premier conscient.

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