Gestion des nitrates en Wallonie: une occasion manquée!

Suite à la condamnation de la Région wallonne par la Cour Européenne de Justice pour insuffisance de transposition de la directive Nitrate, le nouveau programme de gestion durable de l’azote en agriculture (PGDA) vient d’être adopté par le gouvernement wallon. A ce stade, certains arrêtés d’application doivent encore être adoptés, mais globalement ce nouveau PGDA n’améliorera pas la protection des eaux souterraines et de surface. Une occasion manquée et rendez-vous est déjà pris pour revoir en profondeur ce nouveau programme au terme de son évaluation… dans 4 ans.

Une occasion manquée…

Pour les eaux souterraines, les normes d’épandage sont revues fortement à la hausse augmentant la pression sur les nappes alors que les autres mesures pour limiter le lessivage des nitrates sont nettement insuffisantes. Un suivi des reliquats azotés est cependant prévu mais le taux de suivi est tel qu’il risque bien de rendre ces effets dans 30 ans… (Voir avis IEW PGDA en pièce jointe)
Pour les eaux de surface, le texte adopté fait fi des deux problématiques majeures qui conduisent à l’eutrophisation de nos cours d’eau : l’accès du bétail au lit des cours d’eau conduisant à la destruction de l’écosystème rivière et la protection des cours d’eau par l’implantation de bandes enherbées non fertilisées. (Voir avis Natagora PGDA également en pièce jointe)

Alors que des solutions sont possibles

Pas d’avancées en la matière, parce que le syndicat agricole qui a négocié ce dossier défend à tout prix, contre les attentes de la société, l’immobilisme de l’agriculture au nom du marasme permanent qu’elle connaîtrait. Une position de courte vue qui pénalise l’image de l’agriculture aujourd’hui et la pénalisera demain, quand il faudra revoir les budgets agricoles. Mais le monde agricole n’est pas unilatéral et d’autres voix, plus en harmonie avec les attentes sociales ont manifesté leur intérêt de voir ce dossier avancer dans le bon sens. C’est ainsi qu’IEW a fait des propositions concrètes sur ce dossier en vue de rencontrer les objectifs environnementaux et l’intérêt des agriculteurs avec la Fédération Unie des Groupements d’Eleveurs et d’Agriculteurs (FUGEA). L’enjeu est aussi de prendre dès aujourd’hui les mesures adéquates pour que l’agriculteur ne soit pas demain rendu responsable, bien malgré lui, et soumis alors à des normes plus drastiques.
Les propositions conjointes formulée par IEW, la Fugea et Natagora s’articulent autour de quatre mesures impliquant un renforcement des obligations qui incomberaient aux agriculteurs tout en prévoyant des compensations financières ainsi qu’une amélioration de l’encadrement des agriculteurs sur cette thématique.

• Chaque année le Ministre établit des valeurs de référence de reliquats azotés dans les cultures selon les résultats obtenus dans le réseau des fermes de référence suivi par l’adminsitration et des scientifiques. Afin de rentrer à moyen terme dans les objectifs voulus par l’Europe (Directive cadre « eau ») et afin de gérer en bon père de famille la fertilisation de son sol, il serait opportun d’évaluer sur cette base le taux de suivi nécessaire des reliquats azotés (APL). Un accompagnement technique devrait être organisé au niveau du secteur public afin de renseigner et orienter le paysan sur tout le territoire wallon.

• Vu les sollicitations que subissent les paysans par le secteur marchand d’engrais azotés chimiques, il serait judicieux d’envisager un agrément des conseillers et vendeurs d’engrais azotés chimiques afin de les responsabiliser devant les objectifs à atteindre en termes de reliquats azotés, sans oublier le respect du portefeuille du paysan.

• Vu les risques encourus par le bétail (douve du foie) et les atteintes à l’environnement (destruction du lit et frayères, biodiversité,…), le gouvernement devrait financer à court terme la mise en place de clôtures en bordure des berges des cours d’eau (PDR, investissements non productifs) avec des exceptions pour les zones où la charge de bétail est faible (régime MAE, Natura 2000).

• En bordure de cours d’eau, le maintien d’une bande de 6 mètres sans azote minéral et organique est une bonne mesure dans ce nouveau PGDA. Afin de l’appliquer, nous préconisons la possibilité d’enherber une bande de 3m autour des cours d’eau (possibilité de fauche) ce qui diminuerait de plus de 50% l’apport en nitrates dans les cours d’eau. Cette mesure pourrait être soutenue par l’activation de droits de jachère ou par les mesures MAE volontaires (6 à 12m).

Des solutions sont possibles, faut-il encore que le politique les entendent !

Lionel Delvaux

Anciennement: Nature & Ruralité