Gare de Mons : du vandalisme à la dilapidation

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Le projet de la gare de Mons

Un projet de modernisation de la gare de Mons est actuellement à l’étude à l’administration régionale. Il s’agit d’une démolition-reconstruction. L’architecte en est l’Espagnol Santiago Calatrava. Dans le projet, la gare actuelle, ½uvre de René Panis de 1952, disparaît, et un immense « doudou » de verre et d’acier s’y substitue. Le coût global de cette gare cathédrale : au moins 150 millions d’euros.

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« Vue satellite du site de la gare de Mons (crédits : Google Earth) »

Ce qui interpelle

La Fédération Inter-Environnement Wallonie s’oppose fermement au projet de modernisation de la gare de Mons tel qu’à l’étude. Loin d’être opposée à l’architecture contemporaine, la Fédération ne peut accepter un projet d’une telle ampleur sans que nécessité en soit démontrée.

Si Mons a besoin, à n’en pas douter, d’une connexion non routière entre le centre-ville et le quartier des Grands Prés, ce besoin ne justifie en rien la démolition de la gare. Solutionner ce problème urbanistique pourrait se limiter au placement d’une passerelle au-dessus des voies, ce qui a été démontré par nombre de personnalités. C’est d’ailleurs pour un tel programme – une passerelle sans démolition de la gare – qu’a été initialement retenue la candidature Calatrava…

La justification du projet est lacunaire. Démolir cette gare revient même clairement à démolir un bâtiment en bon état, qui accueille les voyageurs dans d’excellentes conditions, et qui est pleinement à même de faire face aux hausses de trafic attendues. En outre, la modernisation de la gare de Mons pose question sur plusieurs points : atteinte au développement durable, fausse bonne réponse pour booster la mobilité douce, destruction du patrimoine, gaspillage de l’argent public.

(1) L’auteur du projet a une définition particulière du mot « modernisation ». En effet, dans le projet le bâtiment actuel de la gare est démoli, et à sa place un autre bâtiment est construit. En somme, il s’agit d’une « démolition-reconstruction ». Or, une telle opération est toujours préjudiciable au niveau développement durable, et plus la taille du bâtiment est importante, plus ce préjudice est élevé.

En effet, démolir un bâtiment, cela implique de produire des déchets en quantité, de les convoyer jusqu’à un site de traitement, et de les traiter. Et ensuite, construire un nouveau bâtiment, c’est produire des matériaux de construction, et les convoyer jusqu’au chantier. Une démolition-reconstruction génère donc des déchets, utilise des ressources naturelles, consomme de l’énergie, et ce faisant, produit des émissions de gaz à effet de serre. Bref, un bilan environnemental très négatif.

(2) Le projet ne boostera pas la mobilité douce, en particulier cycliste, à Mons. Les cyclistes désireux de passer du centre-ville aux Grands Prés y ont en effet la vie dure : un cycliste devrait devant la gare descendre de son vélo, prendre l’ascenseur, traverser le couloir de la gare en marchant à côté de son vélo, prendre à nouveau l’ascenseur, pour enfin arriver dans l’autre quartier. Un parcours du combattant qui freinerait fortement l’utilisation du vélo à Mons. Par contre, sans « modernisation de la gare », le placement d’une simple passerelle développerait l’utilisation du vélo.

(3) Le patrimoine, le projet Calatrava le méprise. Pierre Gosselain, cet ancien éminent haut-fonctionnaire wallon de l’aménagement du territoire, le déclarait sans ambages dans la presse en mars : « La destruction de la gare serait comparable à un acte de vandalisme. C’est une ½uvre importante ».

L’auteur de l’étude d’incidences, Aries, l’a aussi exprimé sans détours. Certains des projets hennuyers de René Panis constituent des chefs-d’½uvre uniques du fonctionnalisme de l’après-guerre : plan de reconstruction de Saint-Ghislain, cité du Parc du Bois de Mons, … et gare de Mons. La démolition d’un tel bâtiment constituerait une perte culturelle irrémédiable pour la société.

(4) La perte la plus grave liée au projet se trouve peut-être, en des temps d’austérité, dans les gaspillages budgétaires de la SNCB que le projet dénote : on préfère investir dans une gare cathédrale plutôt que dans la sécurité… Quand à Pécrot ou à Buizingen le rail belge déraille, tout le monde s’indigne, et les politiques jurent de mettre le paquet sur la sécurité… Pourtant, une fois que l’émoi est passé, on oublie ces déclarations, et on vote pour des projets paillettes. Un doudou de verre et d’acier à Mons pour 150 millions d’euros, par exemple.

Extrait de nIEWs n°98,

la Lettre d’information de la Fédération.

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